Je suis un bizut des mers du Sud !
Thomas Ruyant a retrouvé son bateau, son équipe, son public et ses supporters aux Sables d’Olonne, après une belle coupure familiale, loin des pontons et des foules passionnées. Il repousse d’heure en heure la montée du stress, des premières interrogations du départ d’une course hors norme dont il a patiemment, savamment, ordonné, organisé et structuré les moindres aspects. Le Nordiste est bien là où il voulait être, après ses deux riches expériences de 2016 et 2020, fier du projet monté avec son partenaire Advens, ses équipiers, ses techniciens, heureux de son bateau et de ces perspectives de régates planétaires au plus haut niveau, pour lesquelles il s’est si minutieusement préparé. Pourtant pas au point de revendiquer le moindre statut de favori. C’est au jour le jour, mille par mille qu’il écrira son Vendée Globe, oublieux de ses déboires passés, assoiffé d’aventures, humble devant la tâche. « Je suis un bizut des mers du Sud! »
« Je suis dans l’état d’esprit que je cherchais. J’ai bien anticipé les choses, pour revenir aux Sables lundi dernier l’esprit libéré. J’ai coupé pendant 8 jours, avec mes enfants, sans penser Vendée Globe. J’ai bien dormi, bien mangé, fait du sport. Je ne ressens pas encore la pression. Je sais que la marée Nordiste de mes supporters arrive*. Ce sont des moments de partage important. Mais je suis pressé de partir. Je n’ai ni stress ni angoisse. On a navigué lundi avec le bateau et toute l’équipe. Un super moment. Je suis heureux de voir l’équipe fonctionner dans une belle ambiance, très efficace. Je suis heureux de faire ce chemin avec cette équipe-là. Je mesure le chemin parcouru. Je ressens de la fierté. J’ai le bateau que je voulais. Je le connais bien. C’est un super bateau de Vendée Globe. Je ne ressens pas du tout ce que j’ai vécu en 2016 et 2020. On découvrait alors les grands foilers en 2020. Aujourd’hui, je suis serein et à l’aise. Je sais ce qui m’attends. On fait de moi un habitué du Vendée. Or, ce n’est que mon troisième départ. Donc je vais tout redécouvrir et découvrir, des scenarii différents, des adversaires différents. D’autres on fait The Ocean race, des tours en Ultime.
Ma maturité vient d’une certaine maitrise de ces machines à grands foils. On a été parmi les premiers avec ces grands foils. J’aime aller vite avec ces bateaux. J’y suis habitué. Grâce à tous les marins qui sont passés à bord, Antoine Koch, Morgan Lagravière, Sam… J’ai une meilleure connaissance de la technique. Nos bateaux sont complexes, rien n’est acquis.»
Le match va être dingue !
« 40 bateaux, c’est beaucoup. Il y a une quinzaine de grands marins capables de jouer aux avant-postes et on oublie probablement de sérieux outsiders. Toutes les équipes ont progressé et il y a un bel alignement des compétences. Il me faudra les observer de près car cela fait partie de la bagarre sur l’eau. On ne parle pas de marquage mais il faudra garder un oeil sur les vitesses, les comportements, voir qui est en forme, qui est à l’attaque. Si les analyses météos sont similaires, on a des bateaux qui peuvent optionner à quelques degrés près. Nos bateaux ouvrent le jeu avec leurs combinaisons de voiles singulières, leur formes particulières. La flotte sera groupée durant les 3 premières semaines, mais il y a un tel niveau que les écarts se feront sur de petits décalages.
Avec ce Vendée Globe, on n’est pas loin du challenge ultime, sur un truc hors norme. Je pars serein, sans m’interroger sur l’avenir. Totalement concentré sur mon Vendée. On a mis beaucoup d’énergie pour parvenir à cet état. Je suis fier de ce que l’on a fait. »
Morceau par morceau
« La météo du départ n’est pas encore établie. Cela change encore beaucoup. Je veux profiter de ce public, des amis, de la famille. Je veux offrir un beau spectacle. On devrait avoir du portant assez vite, jusqu’à l’équateur. Attention à ne pas prendre trop de retard si le départ est vraiment très mou.
Une Transat est un sprint, mais sur ce parcours, entrer dans les mers du sud placé est important, car cela peut partir par devant! En Atlantique Nord, on n’est pas encore dans le dur du Vendée et cela peut partir vite. Une bonne descente de l’Atlantique est importante. Une fois dans le train des dépressions du Sud, d’énormes écarts peuvent se créer.
J’essaie de ne pas regarder trop loin. Réguler mon bateau dans la seconde, dans l’instant présent est jouissif. On se donne des objectifs à court, moyen et long terme. Je ne me projette pas sur l’arrivée, mais sur les premiers temps forts, Finisterre, Alizé, pot au noir… morceau par morceau. »
La clé de mon Vendée
« Chaque Vendée Globe est différent. Chaque histoire est différente. La météo et les concurrents construiront le scenario. L’arrivée dans le Grand Sud te change, dans ta façon de naviguer, de vivre. On sent l’onde, la longue houle qui vient de loin! Ca pousse fort. Là, tu comprends que tu as changé de planète. Et pourtant, il faudra toujours continuer le sport, la régate, la compétition! C’est cela qui me motive, me donne envie, aller vite, en sécurité, pied au plancher, sur un bateau solide et éprouvé. Mais j’ai surtout envie de préserver le beau travail qui a été fait sur le bateau. Il faudra savoir le protéger, lever le pied par moment. Trouver ces compromis sera la clé de mon Vendée. »
*900 supporters assisteront au départ dimanche !