Ces derniers mois ont été studieux pour Perrine Laffont qui a multiplié les stages et les sessions d’entraînement avec l’équipe de France de ski de bosses, travaillant alors de nouvelles figures et notamment un backcross cork7 (un 720° la tête en bas et avec les skis croisés) qu’elle devrait présenter lors de la première Coupe du Monde de sa saison 2019, à Ruka, en Finlande, le 7 décembre prochain. Pas question, en effet, pour la Pyrénéenne, championne olympique en titre et actuelle numéro 1 mondiale, de s’endormir sur ses lauriers. Bien au contraire même. La jeune femme de 20 ans a de nouvelles ambitions plein la tête et vise notamment l’or au championnat du monde en février, aux Etats-Unis. Mais qu’est-ce qui la fait courir ? Quels sont ses moteurs ? Comment fonctionne-t-elle ? Eléments de réponse.
Depuis sa médaille d’or olympique décrochée à Pyeongchang, en Corée du Nord, le 11 février dernier, puis son globe de Cristal obtenu le 19 mars suivant, Perrine Laffont ne s’est accordé qu’un mois de répit, en avril dernier, avant de rempiler et de se fixer de nouveaux objectifs. « Depuis les J.O., j’ai été beaucoup sollicitée. Ma vie s’est accélérée de plus en plus. Dans un premier temps, j’ai eu envie de me poser et je me suis enfermée tranquille à la maison, sans voir personne ou presque mais très vite, naturellement, j’ai eu besoin de repartir en vadrouille, de remonter sur les skis », explique la Pyrénéenne, vraie compétitrice dans l’âme. « J’ai besoin de confrontation. J’ai toujours envie de gagner, et c’est vrai dans tous les domaines, que ce soit lors d’une partie de jeux de société, lors d’une partie de bowling en famille… Je suis constamment dans la compét », assure la jeune championne qui est à la fois grisée par la victoire quelle qu’elle soit, mais aussi l’adrénaline générée par son sport. « Le ski de bosses me procure des sensations uniques. Lorsque je le pratique, je me régale et c’est essentiel. Si on pratique un sport à haut-niveau sans amour pour ce que l’on fait, c’est quasiment voué à l’échec car s’il y a des moments forts, il y a aussi des moments où ce n’est pas la joie et ces derniers ne sont acceptables que si l’on aime profondément ce que l’on fait », note Perrine qui n’a pas peur d’évoquer les sacrifices qu’impliquent parfois le sport de haut-niveau. « Adolescente, je n’ai pas fait pas la fête, je ne suis jamais partie en vacances avec mes potes… Reste que cela a toujours été un choix. J’ai toujours eu des gros objectifs et j’ai toujours su que j’étais obligée de passer par là pour les réaliser. Aujourd’hui, je ne regrette rien du tout. J’ai une vie extraordinaire et je sais que si j’en suis là où j’en suis, c’est parce que je me suis donné les moyens. En plus de ça, j’ai toujours été très bien entourée, même dans les moments difficiles, ce qui m’a toujours permis d’avancer », souligne la championne olympique dont la scolarité a forcément parfois été mouvementée.
Un entourage solide
« A l’école, ça n’a, de fait, pas toujours été facile. Je rentrais de compétition crevée, souvent tard dans la nuit le dimanche, et le lundi matin je rattaquais une semaine de cours. L’année du bac, j’ai raté des semaines et des semaines de classe. Parfois, il m’arrivait de craquer, de penser que je n’y arriverais jamais quand je me rendais compte de la charge de travail que j’avais pour rattraper mes absences. Ca s’est très souvent transformé en bourrage de crâne mais j’ai eu la chance d’avoir de super profs à Font Romeu qui m’ont bien accompagnée », assure Perrine qui a longtemps bourlingué de compétition en compétition en mini-bus avec ses parents. Des parents, spécialistes de la discipline, omniprésents, qui l’ont stimulée depuis toute petite. « J’ai commencé tellement jeune que, forcément, au début c’était pour faire comme eux. Ce n’est pas vraiment moi qui ai choisi. J’ai des photos où je suis à peine plus haute que les bosses. Je skiais avec ma tétine accrochée à ma combinaison. Mais ça m’a tout de suite plu », détaille la jeune femme qui a fêté ses 20 ans le 28 octobre dernier. « Je garde de très bons souvenirs de ces étés où on allait sur le glacier de Tignes pendant les vacances d’été. Très vite, le ski de bosses a pris une place importante dans ma vie et j’avoue que je ne me suis jamais posée la question de faire autre chose, ne serait-ce que du ski alpin dont l’ambiance me paraissait trop stricte, trop carrée. Les bosses, c’était sans conteste ce qui collait le plus à ma personnalité », assure Perrine avouant par ailleurs avoir longtemps eu besoin d’un petit coup de pied aux fesses pour être stimulée.
Une expérience riche
« Souvent, il fallait me titiller et me mettre une carotte sur le nez que j’aie envie d’aller plus loin. Mes parents ont vite compris que je pouvais papillonner un peu et ils m’ont constamment poussée sauf qu’à un moment, c’est devenu compliqué qu’ils soient mes entraîneurs. Je voulais seulement qu’ils soient mes parents et qu’à la maison on puisse parler d’autre chose que de mon ski. Eux ont eu naturellement eu un peu de mal à le comprendre et c’est pourquoi, en mai 2013, j’ai pris l’initiative de travailler avec une préparatrice mentale. Elle fait un peu le tampon entre eux et moi. Elle a aidé à faire la transition », commente la skieuse qui a ainsi largement gagné en autonomie dans sa manière de fonctionner et qui sait parfaitement là où elle veut aller. « J’aime me faire mal à l’entraînement. Le ski de bosses, c’est vraiment quelque chose qui me procure énormément de plaisir. De plus, cela me permet de voyager, de rencontrer régulièrement de nouvelles personnes. C’est tellement enrichissant comme expérience ! Moi qui voulais vivre une vie d’athlète de haut-niveau, j’ai aujourd’hui la vie que j’ai toujours rêvé d’avoir », avance la sportive qui poursuit ses études à l’IUT (institut universitaire de technologie) d’Annecy, en DUT techniques de commercialisation, avec un emploi du temps aménagé, mais qui aime pouvoir se ressourcer auprès des siens, aux Monts d’Olmes, dans les Pyrénées, aussi souvent que possible. « Dès que j’ai plus de cinq jours devant moi, je rentre à la maison. Ma famille, mes amis d’enfance… tout ça c’est important pour moi », relate Perrine qui semble avoir trouvé un parfait équilibre à tous les niveaux.
Le plaisir avant tout
« Comme je l’ai déjà dit, j’ai la chance d’être très bien entourée et c’est vrai aussi en équipe de France, avec mes coaches, Ludovic Didier et Lionel Levray, mais aussi les copains. On est tous là pour performer et tous motivés pour progresser. L’ambiance entre nous est géniale et elle contribue à nous faire avancer. Ma co-équipière, Camille Cabrol, fait partie de ma carrière. Si je réussi, c’est en partie grâce à elle. Elle est là quand ça ne va pas et inversement, et c’est pareil avec les garçons. On se pousse les uns les autres et on partage une même devise : se faire plaisir avant tout », explique la jeune athlète qui compte bien le prouver tout au long de la saison qui s’ouvre. « Mon objectif principal, c’est assurément le championnat du monde qui se tiendra en février prochain à Park City, aux Etats-Unis. Bien sûr, je vise aussi la première place au classement général de la Coupe du Monde, j’ai envie de dire comme d’hab’. Les prochains J.O. ? J’ai ça dans un coin de ma tête, bien sûr, mais c’est dans trois ans et notre sport va encore évoluer d’ici là alors je veux prendre le temps d’y penser, même si j’ai conscience que ça passe vite. Pyeongchang, j’ai l’impression que c’était hier. En tous les cas, je sais que c’est un objectif réalisable », termine Perrine Laffont qui se verrait quand même bien devenir la première femme à réussir le pari d’un doublé olympique car pour elle, on l’a bien compris, les défis rendent la vie intéressante, mais les surmonter lui donne un sens.